Après le Mali et le Burkina Faso voisins, la Côte d'Ivoire a été frappée dimanche par un attentat meurtrier revendiqué par le groupe djihadiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Une première. L'attaque a visé la station balnéaire de Grand-Bassam. Un lieu très prisé des Abidjanais et des expatriés. Selon le dernier bilan du ministre ivoirien de l'Intérieur, l'attentat a fait 18 morts, parmi lesquels 15 civils et trois membres des forces spéciales ivoiriennes et de très nombreux blessés.
"C'est une vraie provocation de taper à Grand-Bassam, à à peine quarante kilomètres de la base militaire française, estime ainsi le spécialiste de l'Afrique Antoine Glaser sur France Info lundi matin. C'est un message à la France (...). Attaquer Grand-Bassam, c'est comme si vous attaquiez la Tour Eiffel, c'est vraiment la France en Afrique, l'ancienne capitale historique de la colonisation, la cible idéale pour Aqmi."
La Côte d'Ivoire participe à la force de l'ONU déployée au Mali et un peu plus de 550 militaires français sont stationnés dans le pays. Le pays, frontalier du Mali dont les jihadistes ont un temps occupé le nord avant d'être chassés par une intervention militaire française, avait jusqu'ici été épargné par les attentats de masse.
La CI, c'est 40% du PIB de l'ensemble de la région
Antoine Glaser souligne aussi les conséquences économiques de cet attentat: "La Côte d'Ivoire, c'est 40% du PIB de l'ensemble de la région, là où il y a le plus de business. Pour les grandes entreprises, être obligées d'avoir une sécurité pour les expatriés complique vraiment les appels d'offres, la façon de s'implanter dans ces pays, et c'est ce que cherche Aqmi."
De son côté, interrogé sur FranceTV Info, le spécialiste du terrorisme salafiste Mathieu Guidère rappelle que tous les pays de la région avaient déjà été attaqués. "Il ne manquait que la Côte d’Ivoire et le Sénégal, pour lequel on peut être très inquiet, explique-t-il. On sait très bien que depuis longtemps, Mokhtar Belmokhtar (l'un des principaux chefs d'Aqmi, NDLR) est dans une sorte de compétition avec l'État islamique, il veut montrer qu’il sait lui aussi agir sur le terrain".
Mathieu Guidère aussi est catégorique, "au Mali, au Burkina ou en Côte d’ivoire, c’est la France qui est ciblée". Il continue: "Abidjan, une station balnéaire telle que celle de Grand-Bassam, toutes ces zones sont considérées comme le quartier général des Français. C’est là-bas que la France possède la plus grande communauté. Pour moi, je le répète la cible principale c’est la France."
Par ailleurs, en Côte d'Ivoire, "plusieurs attentats ont été évités au cours de ces dernières années, au moins deux", avait précisé dimanche soir l'éditorialiste international de BFMTV, Ulysse Gosset.
"Des informations tirées de sources humaines et d'interceptions de communications ont révélé que les groupes islamistes prévoyaient de placer des voitures piégées ou d'attaquer des lieux publics ou des plages fréquentées par des expatriés en Côte d'Ivoire ou au Sénégal", étaye Robert Besseling, directeur du cabinet de gestion de risques spécialisé sur l'Afrique "Exx Africa", à l'AFP.
Grand-Bassam, une cible symbolique
Ville historique et ancienne capitale coloniale sur la côte du Golfe de Guinée, Grand-Bassam abrite plusieurs hôtels fréquentés par une clientèle d'expatriés le long d'une plage où afflue la population abidjanaise en fin de semaine. Située à 45 kilomètres de la capitale, Grand-Bassam, peuplée de 85.000 habitants, est classée au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 2012 et avait fêté son centenaire l'année dernière.
Comme on peut le voir sur la carte ci-dessous, plusieurs noms de quartiers de la ville font référence à la France, tels "Petit Paris" ou "France". Par ailleurs, toute la partie de la lagune où s'est déroulée l'attaque n'est accessible que via un pont au nord, ce qui a pu freiner l'arrivée des forces de l'ordre et des secours après l'attaque.
C'est la première fois que la Côte d'Ivoire est la cible d'une attaque contre une zone touristique, alors que le secteur se remet lentement de 10 ans de crise socio-politique. Le pays pourrait désormais connaître un destin identique à celui de la Tunisie, qui subit depuis l'attentat de Sousse en juin 2015 une chute de sa fréquentation touristique.
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